La finance décentralisée cherche à construire un système alternatif à la finance traditionnelle. Elle innove et propose des formes nouvelles de gouvernance et d’allocation du capital, elle promet des services financiers décentralisés de crédit, d’échange, d’assurance, etc..
Elle est l’imbrication de protocoles autonomes c’est à dire, du code informatique (des smart contracts) sur la blockchain Ethereum, qui remplacent les intermédiaires traditionnels.
Pour fonctionner aujourd’hui, ils doivent reposer sur des données fiables sur le monde extérieur, comme les prix de marché observés sur l’ensemble des places d’échange par exemple. Les blockchains étant des systèmes autonomes qui ne sont pas nativement conçus pour intégrer les données de “l’extérieur”, le risque de corruption des données est grand sans système décentralisé pour les enregistrer.
Les Oracles sont la solution. lls sont des réseaux de participants dont le rôle est de faire consensus ensemble sur la vérité des données à intégrer dans les différentes briques de la DeFi. Ils permettent ainsi l’apport de données à la DeFi sans en compromettre la sécurité ni la fiabilité.
Le fonctionnement d’un réseau décentralisé d’Oracles : l’exemple de ChainLink
Chainlink est le réseau d’Oracles le plus utilisé en DeFi. Le protocole sert notamment de référence pour de multiples paires de valeurs financières.
Ainsi, pour chaque nouvelle requête de données, par exemple le cours de l’Ether en dollars, un ensemble de participants jouent un rôle de “Validateur” des données pour qu’un consensus soit établi sur la valeur finale recherchée.
Le système repose sur trois caractéristiques fondamentales pour fonctionner correctement:
Des sources de données multiples
Pour réduire la probabilité de falsification des données, les Oracles font chacun l’agrégation de multiples sources.
Un réseau de plusieurs Oracles
Pour réduire la probabilité d’acteurs malveillants au sein du système, un bon moyen est d’imposer une multiplicité de participants/Oracles sans liens entre eux au sein du réseau. Tant que la majorité est honnête, le système reste sécurisé.
Leurs intérêts en jeu
Il peut être dangereux de laisser des acteurs anonymes jouer le rôle d’oracles, d’autant plus qu’il n’existe aucun recours juridique si leur mauvaise conduite a des répercussions financières.
Chainlink l’empêche en obligeant les nœuds à déposer une somme en séquestre sur le réseau, généralement dans la monnaie du réseau, pour pouvoir effectuer des travaux pour le réseau.
C’est un mécanisme cryptoéconomique qui revient souvent : si les participants se comportent bien, c’est à dire qu’ils enregistrent une donnée proche du consensus, ils sont récompensés pour leur travail. S’ils se comportent mal et cherchent à falsifier les données, ils perdent un pourcentage de leur mise.
Cela garantit que les Oracles ont les bonnes incitations pour garantir des données exactes.
L’utilité des Oracles en DeFi
Les Oracles débloquent une multitude de cas d’usages en finance décentralisée. Pour en citer trois :
Les produits dérivés
Les produits dérivés de la finance décentralisée, autrement appelés cryptoactifs synthétiques nécessitent tous des flux de données sécurisés et fiables afin de leur conférer la valeur en temps réel de l’actif représenté.
Il faut ainsi entrer le prix de l’or ou de l’argent, intégrer les mouvements boursiers du dollar ou de l’euro, tout en s’assurant que les données sont fidèles à la réalité
Les marchés prédictifs
Les marchés prédictifs décentralisés (Augur, Gnosis) servent à générer des prédictions sur le futur en s’appuyant sur la “sagesse des foules” (Wisdom of the Crowd). Ils sont aussi un formidable outil dans la gestion des risques.
Pour certifier la vérité du résultat final, ils peuvent s’appuyer sur un ou plusieurs Oracles.
Le crédit
Sur les services de crédit de la finance décentralisée comme AAVE, Compound ou Maker, les Oracles apportent une solution pour certifier la valeur du collatéral en jeu. Ainsi les prêts sont toujours adossés à une contrepartie dont les protocoles connaissent la valeur réelle ce qui assure au système de rester robuste et réactif aux mouvements de prix extérieurs.
Devenir Oracle ?
L’activité d’Oracle peut devenir profitable pour des acteurs qui souhaiteraient se positionner au sein de la finance décentralisée.
Ainsi Kaiko, entreprise française leader dans la fourniture de données sur les marchés crypto, opère dans le rôle d’Oracle pour fournir à la DeFi les données des marchés extérieurs à Ethereum. Leur coeur de métier est déjà la donnée, en jouant le rôle d’Oracle ils capitalisent encore plus dessus.
Mais les opérateurs d’Oracle ne sont pas uniquement des sociétés spécialisées dans les données des marchés crypto.
Des sociétés traditionnelles opèrent maintenant des noeuds sur Chainlink, comme l’opérateur Telecom allemand Deutsche Telekom via une filiale.
Ainsi les entreprises traditionnelles du secteur bancaire ou des start-up fintech pourraient intégrer des réseaux d’Oracles, fournir des données à la DeFI et ainsi se positionner sur le secteur avec coût relativement faible.
Dans un contexte où les besoins en données de la finance décentralisée vont continuer à s’intensifier à mesure que des nouveaux protocoles s’installent et innovent, c’est un pas vers l’hybridation des deux finances et un mouvement stratégique pour les acteurs traditionnels.